L’ÉTAT de l’Europe, pendant le temps que vécut Lydwine, fut effroyable. En France, règnent Charles VI puis Charles VII. Lydwine naît l’année même où Charles VI, âgé de douze ans, monte sur le trône. Dans le lointain des âges, les années de ce règne évoquent d’abominables souvenirs ; elles dégouttent de sang et, à mesure qu’elles s’éboulent, les unes sur les autres, elles se dévergondent ; aux lueurs des vieilles chroniques, derrière le transparent poussiéreux de l’histoire, quatre figures passent. L’une est celle d’un aliéné, au teint hâve, aux joues creuses, aux yeux tantôt ardents et tantôt morts ; il croupit dans un palais à Paris et ses vêtements sont des pacages de vermines et ses cheveux et sa barbe sont des haras à poux. Ce malheureux qui fut, avant qu’il ne divaguât, un être familier et libertin, irascible et débile, c’est le roi Charles VI. Il assiste, maintenant idiot, à la bacchanale enragée des siens.
L’autre est celle d’une intrigante, baroque et vénale, d’une femme impérieuse, bruyamment décolletée et traînant après elle, sous un hennin planté, comme une tête de diable, de deux cornes, une robe historiée et qui n’en finit point ; et elle souffle lorsqu’elle marche, chaussée de souliers à becs de deux pieds de long ; c’est la reine de France, la bavaroise Ysabeau, qui apparaît ...