L’Allemagne, avons-nous besoin de le dire ici ? nous a toujours été chère. S’il existe pour l’homme, en dehors du sol natal, une seconde patrie que l’âme et l’intelligence, obéissant à l’irrésistible loi des premières sensations, du premier enthousiasme, aient le droit de se choisir, cette terre fut pour nous le pays de Goethe et de Beethoven, de Hegel, de Novalis, d’Arnim et de Weber. Et quand nous la désignons par ses penseurs, ses artistes, ce n’est point pour essayer d’échapper à la politique, aujourd’hui partout prédominante, mais pour bien marquer tout d’abord que nous n’entendons rien sacrifier de ce qui constitue à nos yeux la véritable grandeur de l’Allemagne, — grandeur faite d’idéal et de réalité, où le passé et le présent se rencontrent, et dont les dynasties promènent à travers l’histoire le caractère spécialement intellectuel. L’Allemagne et l’Italie ont cela de commun, que jamais rien ne les distrait des choses de la pensée. Partout ailleurs, en Angleterre, même en France, vous trouverez dans les périodes d’action je ne sais quelle dédaigneuse indifférence pour les travaux de l’esprit, ce qui jamais n’arrive chez les Italiens pas plus que chez les Allemands. Ce manque de respect à la dignité humaine que jadis flétrissait Pascal, et qui pour nous consiste à ne point savoir tenir compte, — même en temps de guerre, — de l’immense valeur d’une œuvre d’art, ni l’un ni l’autre de ces deux peuples, qui par plus d’un côté se ressemblent, ne voudrait s’en rendre coupable. Aucune gloire ne rend l’Allemand infidèle à son culte, n’amoindrit chez lui l’enthousiasme. A cet endroit, l’Allemagne est, comme dirait Goethe, sphérique, complète, et n’éprouve nul besoin de sacrifier telle partie de son être à telle autre, sous prétexte qu’on ne saurait être fort sur plusieurs points à la fois. A l’époque de ses plus grands troubles sont nés ses plus grands chefs-d’œuvre, et ses meilleurs soldats s’inspirèrent toujours des plus essentiellement lyriques de ses poètes. Interrogez l’histoire ; quels poètes et quels artistes que la plupart de ces princes germains, un Frédéric de Hohenstaufen, un Maximilien II et tant d’autres ! Entre la pensée et l’action, l’Allemand aime à voir un indissoluble lien, estimant que l’acte décisif, la rettende That, comme il dit lui-même, a meilleure chance de partir d’une âme habituée aux choses hautes et délicates que de relever d’instincts brutaux devant à l’ignorance la virginité de leur rudesse. Les soudards illustres, les Tilly, les Blücher, si loin que leurs noms portent,
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