Extrait: Le premier soleil du printemps brillait de tout son éclat dans l’azur du ciel. Semblable à la face majestueuse de Dieu qui, souriant à la création, lui dirait : « Debout ! debout ! l’hiver est passé ; reviens à la vie et réjouis-toi de ma présence ! » ainsi l’astre du jour épanchait libéralement sa lumière rajeunie sur la bruyère et sur les champs, et faisait fermenter sous ses rayons ardents le sol humide.
Quelques plantes seulement avaient entendu l’appel du bienfaiteur du monde ; seuls, le perce-neige agitait sur les coteaux ses clochettes d’argent, le coudrier balançait ses chatons déployés, l’anémone des bois montrait ses premières feuilles dans les taillis ; mais les oiseaux folâtraient gaiement sous la chaude lumière, et chantaient à plein gosier le retour du temps des amours… Non loin du bois de Zoersel, solitaires et oubliées, deux maisonnettes d’argile s’adossaient l’une à l’autre. Dans la première, habitait une pauvre veuve avec sa fille ; pour tout avoir en ce monde, elles possédaient une vache. Dans Vautre maisonnette demeurait pareillement une veuve avec son vieux père et deux fils, dont un seulement avait atteint les années de l’adolescence. Ils étaient plus riches que leurs voisins, car ils possédaient un bœuf et une vache, et avaient en fermage beaucoup plus de terre. Cependant les habitants des deux chaumières, — car c’étaient des chaumières, — ne formaient depuis longues années qu’une seule famille, s’aimant d’une affection réciproque et s’entr’aidant mutuellement quand besoin était. Jean et son bœuf travaillaient dans le champ de la pauvre veuve ; Trine allait quérir du fourrage pour le bœuf, le menait paître, et aidait à ses voisins au temps de la moisson, sans que la pensée fût jamais venue à ces gens de compter qui avait le plus fait pour les autres.