— Salve, domine, dit l’ex-élève.
— Bonjour ! bonjour ! répondit Picounoc.
— Tu jardines ?
— Je sarcle mes allées.
— Quid novi ? quelles nouvelles ?
— Je me marie.
— Tu te maries ? Tu quoque !
— Oui, répliqua Picounoc en s’appuyant sur sa gratte.
— Avec qui ?
— Avec Aglaé Larose.
— Rosa, Rosæ, Larose de la Rose… quand ?
— Vers la Toussaint.
— Je t’en souhaite !
— Merci.
— Elle est bien !
— Pas mal : blanche, fraîche…
— Je veux dire qu’elle est riche.
— Riche ? non ; mais elle a une terre et un bon roulant.
— Il paraît que tu ne l’aimes pas ?
— Elle m’aime, elle, et veut devenir ma femme : je me laisse faire…
Tu comprends qu’il n’est pas facile de résister au désir de posséder une belle… ferme.
— Tu es bien toujours le même, Picounoc.
— Écoute un peu, Paul, je n’ai pas de secret pour toi. J’ai aimé, j’aime et j’aimerai toujours. Celle que j’aime, tu la connais,
c’est Noémie… Elle est la femme d’un autre… Eh bien ! puisque de ce côté le bonheur m’est ravi, je n’estime plus les femmes que d’après
leur dot, et je voudrais devenir veuf tous les ans pour me remarier toujours avec des filles avantageuses.
— Si tu parlais sérieusement je te mépriserais, et j’irais de suite avertir ta fiancée.
— Mais je suis sérieux… Je suis un maudit, tu sais, et le fils d’un maudit… donc il faut que je fasse mon œuvre.
En parlant ainsi Picounoc s’animait, sa voix devenait aigre et ses yeux s’injectaient de sang. L’ex-élève s’éloigna lentement, la tête basse,
et prit le chemin de la concession de St. Eustache. Aux premières maisons du village il rencontra Aglaé Larose vêtue de sa robe des dimanches.
Elle s’en allait à confesse.
Less