à force de vivre
by Claude Fournier
2020-06-24 17:15:56
Non seulement je ne suis pas né dans une famille aisée, mais je suis arrivé à deux : il y avait avec moi un besson ! Puis, d’autres frères et sœurs qui suivirent rapidement. Je commençai donc à travailler...
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Non seulement je ne suis pas né dans une famille aisée, mais je suis arrivé à deux : il y avait avec moi un besson ! Puis, d’autres frères et sœurs qui suivirent rapidement. Je commençai donc à travailler très tôt. Si tôt que, pendant la première partie de ma vie, j’étais toujours le plus jeune. J’ai commencé à vieillir et la vie, elle, a commencé d’élaguer autour de moi. Petit à petit, je suis devenu plus vieux que tous les autres et j’ai réalisé que j’avais vu passer trois quarts de siècle. Que, pendant ces décennies, j’avais été poète, journaliste, romancier et, surtout, cinéaste. Tant de chemin parcouru que, subitement, j’ai regardé derrière pour me rendre compte que j’avais beaucoup vécu. Des années extravagantes. Je me suis marié plusieurs fois, j’ai partagé le cœur de femmes sublimes et d’actrices célèbres, des hommes m’ont aimé, on m’a sollicité pour assassiner la princesse Margaret, je me suis lié d’amitié avec de grands personnages politiques, j’ai trouvé le temps de tourner des films ici et dans plusieurs pays du monde, le temps aussi de rester amoureux de la même femme durant quarante ans. Amoureux, tiens ! je n’y avais jamais vraiment pensé avant cette femme. Malheureux, je n’y avais pas pensé non plus jusqu’à ce que le destin nous arrache deux de nos petits enfants dans un incendie funeste. Une vie intense, entière, excitante, réécrite brutalement. Horrible palimpseste. L’incroyable fatalité, au terme de ses jours, de souhaiter que sa propre vie fût plutôt vécue par quelqu’un d’autre. Mais non ! c’était bien moi.
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